03 décembre 2010

Changement de bord ?

Le futur pont transbordeur de Nantes est certainement flatté de l’intérêt nouveau que lui porte Jean Blaise, comme le rapporte Éric Cabanas dans Presse Océan.

Pourtant, contrairement à Estuaire 2007/2009/2011-2012, ça n’est pas « un vrai projet de gauche ». Ses créateurs, membres de l’association Les Transbordés, se proclament apolitiques. Surtout, dans ce projet-là, il y a de la haute technologie, de l’industrie lourde, des alliances avec de grandes entreprises, des calculs de rentabilité…

L’idée de base a toujours été dans l’air. Mais depuis près de trente ans qu’il est arrivé à Nantes, jamais Jean Blaise n’y avait paru sensible. Les Transbordés ont dévoilé leur projet Jules Verne il y a cinq mois sans éveiller de réaction. Alors, pourquoi maintenant ?

On est tenté d’y voir une retombée de la réunion organisée à Nantes par l’association le 18 novembre. Un grand succès : salle comble, orateurs convaincants, public conquis. De quoi faire du buzz dans les dîners en ville. Jean Blaise a toujours su de quel côté soufflait le vent.

Si les édiles nantais s’intéressaient au projet, serait-ce vraiment une bonne nouvelle ? Sous la férule de Jean-Marc Ayrault, tout projet un peu consistant réclame des décennies. Ainsi, la création du Mémorial a été décidée en 1998. L’enthousiasme d’Yves Lainé, président des Transbordés, et la science de Paul Poirier, architecte du projet, l’emporteraient-ils sur les pesanteurs politico-administratives ? On l’a vu avec le hangar à bananes ou la barge Flahault, les projets privés sont menés plus rondement.

L’enjeu dépasse le pont lui-même. Sur leur site web exemplaire, les Transbordés proposent une vision dynamique du fleuve dans la ville. Rien à voir avec l’attitude de poule qui a trouvé un couteau observée par la ville depuis vingt ans. On le verra ici même dans les jours à venir avec un triptyque ligérien :

5 commentaires:

  1. Je suppose, Kära Sven,( mais peut-être ne parles-tu pas le suédois), que je devrais me montrer éperdu de reconnaissance après un tel déversement de fleurs (méritées, of course). Puis-je encore commenter ?.
    1.Oui nous sommes résolument a-politiques, plutôt trans-politiques. Ceux qui s'occupent de recueillir les attentes des gens d'un lieu, propose des réalisations en adéquation, font forcément de la politique - Mais disons que nous n'avons aucune velléité électorale. Pour autant nous sommes bien conscients qu'être créatif, être ambitieux pour sa ville, lui suggérer une stratégie, ce n'est pas sans risque : on touche à l'essentiel, qui est la dignité du prince.
    2. Mais l'essentiel, c'est aussi l'ATTENTE NANTAISE et les transbordés ne l'ont pas inventée ; elle se résume en quelque 6 mots :industrie/négoce/maritime (pas nouveau)+ INNOVATION+ TOLÉRANCE + IMPERTINENCE On pourrait dire aussi Jules Verne+Edit de Nantes + Cambronne.
    3. A cause de cela nous avons mis sur pied un PROJET JULES VERNE qui, comme tu les dis, va bien au delà d'un pont transbordeur, qui en est la partie émergée - Il y a, en plus de lui, une dizaine d'autres projets (pas vraiment privés ceux-là) qu'on peut trouver sur le site du Conseil de développement (Investissement Maritime, Fluvial http://nantes-citoyennete.com/X_FICHIERSPDF/
    100315contrib_Laine.pdf ). Il y a là une quinzaine d'idée, mais il est évident que les Transbordés n'ont pas les moyens de se battre pour plus de deux ou trois à la fois.
    L'année prochaine on parlera surtout du VERNOSCOPE et d'un nouveau Quai des CROISIERES.
    4. La richesse du Projet JV ( peut-être Plan JV)c'est de se situer au confluent des 6 concepts évoqués plus haut. Au nom de cela, je refuse de tirer sur le mémorial - c'est comme si on tirait sur l'Edit de Nantes ou nôtre Jules Verne ( qui fut également un penseur de l'antiesclavagisme)
    5. Enfin je ne reprocherai pas à Jean-Marc Ayrault d'être prudent - c'est sa nature - Mais s'il venait à ne pas savoir saisir la belle perche qui lui est tendue, qui ne lui a rien coûté, et qui, en raisonnement "qualité-prix" risque d'être la meilleure réponse à certaines questions de déplacements, d'économie urbaine et d'attractivité qu'il se pose, c'est sûr que notre déception risquerait d'avoir des conséquences.
    Yves Lainé, président "Les Transbordés".

    RépondreSupprimer
  2. Merci, Yves Lainé, pour ce commentaire détaillé (et merci aussi de ne pas l'avoir écrit tout en suédois). Il est parvenu sur le site en plusieurs exemplaires ; j'ai donc pris la liberté de supprimer les doublons.
    Ai-je envoyé tant de fleurs aux Transbordeurs ? Il ne vous aura pas échappé que ce blog a une vocation critique ; il fait plus dans le fiel que dans les fleurs. Si je dis du bien de quelqu'un, c'est pour pouvoir mieux dire du mal de quelqu'un d'autre, hé ! hé ! (Cela dit, j'ai trouvé votre projet vraiment séduisant par son audace et son esthétique et vraiment impressionnant par son degré de réflexion.)
    À propos du Mémorial de l’esclavage, 1) je reste abasourdi par ses délais et ses dérapages financiers, aussi emblématiques de la municipalité actuelle que le projet lui-même ; 2) je m’élève contre le raisonnement qui sous-entend qu’être contre le monument, c’est être pour l’esclavage ; 3) je trouve artificiel et hypocrite de condamner les actes d’une autre époque au nom de valeurs d’aujourd’hui (il vaudrait mieux se demander ce que les époques futures reprocheront à la nôtre). Ces dernières années, la municipalité a infléchi son message : le Mémorial ne relèverait pas du repentantisme, il célèbrerait l’abolition de l’esclavage en général. C’est un peu faux-cul à mon avis puisqu’il listera les seules expéditions négrières nantaises et se gardera bien de dénoncer les esclavages ultérieurs (pudeur que n’a pas Jules Verne, qui écrit au présent dans « Un capitaine de quinze ans » : « l’islamisme est favorable à la traite. Il a fallu que l’esclave noir vînt remplacer, dans les provinces musulmanes, l’esclave blanc d’autrefois. »).

    RépondreSupprimer
  3. Tout tient finalement dans la sagacité du collectif d'historiens qui expliciteront le Mémorial. Je n'ai pas bien suivi le cahier des charges. Pour moi il est clair que la préoccupation devrait être universelle. Faute de quoi, quel intérêt aurait-le monument ? Moi je souhaiterais que la philosophie de la Ville de travailler sur la justice et la tolérance y soit bien introduite et explicitée, mais que les données historiques (navires négriers) soient remises dans leur contexte de l'époque..
    A galon

    RépondreSupprimer
  4. D'abord merci pour vos critiques très encourageantes de notre projet de pont transbordeur.
    Concernant le Mémorial pour l'abolition de l'esclavage, une fois n'est pas coutume, j'ai un avis un peu différent de celui de mon ami Yves.
    Sur la finalité de ce monument d'abord : en quoi et envers qui les nantais de 2010 ont-ils une dette pour des faits qui se sont déroulés il y a 2 siècles et dont les acteurs, bourreaux et victimes, sont à présent égaux dans la mort ?
    Sur la forme : l'architecte a voulu créer une atmosphère "évoquant l’enfermement des captifs dans les cales des navires négriers". Une sorte de Lascaux II de la traite, du sursignifiant bien lourd comme notre époque subtile et pas démago pour un sou sait le faire. J'ai bien peur qu'en fait de recueillement on ait surtout des touristes en T-shirt mickey venant visiter la traite comme on visite le passage Pommeray ou le château. En matière d'hommage aux victimes et de condamnation de l'esclavage on risque le hors sujet.
    Le coût : 7 millions d'euros. Ça fait combien de pompes solaires ou de villages africains électrifiés ? Comme si les vivants comptaient parfois moins que les morts.
    Et si vraiment un artéfact était nécessaire pour "commémorer" cette page peu glorieuse de l'histoire nantaise une sculpture d'un artiste africain contemporain aurait pu le faire beaucoup plus efficacement.

    RépondreSupprimer
  5. Merci Philippe Lamarche,
    je crois me souvenir que la décision prise au départ, en 1998 (!), était effectivement d'ériger une statue.

    RépondreSupprimer