04 décembre 2011

On n’en peut plus d’attendre Estuaire

« Estuaire ne commencera vraiment qu’en 2011 », disait Jean Blaise dans le numéro 15 de Place publique. Puisque l’année va se terminer, il serait grand temps de commencer. Alors, voici une proposition honnête. M. Blaise, vous vous réjouissiez que 4,4 millions d’euros, sur les 7,3 millions du budget d’Estuaire 2007*, « retournent directement dans l’économie locale ». Vous pouvez faire mieux : confiez moi seulement la moitié de cette somme, et je vous fais un Estuaire 2012 où, en plus, la rémunération de l’artiste – moi-même – restera sur place.

Vous voulez un échantillon des œuvres ? En voici trois – trois seulement, car je n’ai que 5 minutes à leur consacrer, mais vous en trouverez d’autres dans mon post du 5 juin 2009. On notera que ces œuvres estuariennes réjouissent deux sens à la fois : l’œil, mais aussi l’ouïe, le goût ou l’odorat.
  • Cucuniculture : 2.012 petits lapins en chocolat fournis par un grand pâtissier nantais (appel du pied à MM. Gilbert Debotté, Jacques Chauvelon, Vincent Guerlais et confrères) sont alignés en file indienne le long du canal de La Martinière. C’est une œuvre évolutive, avec la participation des visiteurs, en fonction de leur gourmandise. Et une œuvre semi-pérenne : longtemps, on trouvera du chocolat fondu entre les pavés. Si le budget le permet, on pourra porter le nombre de petits lapins à 2.684, soit le numéro du département multiplié par l’âge du capitaine Blaise l’an prochain.
  • Barre-bac : sur le quai du Pellerin, 2,012 tonnes de carcasses d’animaux morts, provenant d’élevages locaux via un équarrisseur local, forment une pyramide qu’on doit contourner pour accéder aux cales. La création n’est pas dans l’installation mais dans sa décomposition progressive, support d’une réflexion sur la condition humaine (« Hélas ! Pauvre Yorick ! »). C’est une aussi une œuvre semi-pérenne : même quand le dernier rat aura rongé les dernières chairs et le dernier chien errant volé le dernier fémur, l’odeur imprégnera longtemps les lieux, pour la plus grande fierté des Pellerinais.
  • Éole & Heol : à Paimbœuf sont installées une éolienne et une série de capteurs solaires, alimentant deux puissants sound systems. Le premier, qui fonctionne jour et nuit en fonction du vent, diffuse en continu l’album Night and Day de Joe Jackson. L’autre, qui fonctionne le jour en fonction du soleil, diffuse en diurne le Dies Irae de Berlioz. Comme les sons portent loin sur l’eau, on entend les haut-parleurs jusqu’à Saint-Nazaire et Nantes, en tendant l’oreille : en voilà bien, de l’Estuaire ! Tout cela réjouit tant les Paimblotins que l’installation est placée sur une barge au milieu de la Loire, plutôt que sur les quais du port, pour éviter leurs débordements d'affection. Cette œuvre est non seulement pérenne mais durable puisqu’elle utilise des énergies renouvelables. Ça compense largement Notre-Dame-des-Landes.
Hélas, M. Blaise, je sais déjà ce que vous allez me répondre : contrairement à la meute de loups ou aux oiseaux musiciens d’Estuaire 2009, ce ne sont pas des œuvres d’art car il leur manque l’intention artistique. Avec l’art, c’est l’intention qui compte. Cette intention-là sait même compter jusqu’à des six et sept chiffres en euros.
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* En réalité 8,8 millions d'euros, a révélé la Chambre régionale des comptes dans un récent rapport.

4 commentaires:

  1. ...et après Coupechoux pour les anneaux de Buren, si vous regardiez du côté de Lamotte, heureux sponsor du Hab. Mais qu'ont donc à gagner ses heureux sponsors? Il manque un Pepe Carvalho nantais pour lever les arrangements fonciers.

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  2. Très bon post, l'humour est salvateur ces jours! Merci

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  3. Merci à vous.
    Un Pepe Carvalho nantais ? Ah ! ce serait grandiose, et puis Nantes cadrerait bien, en Barcelone atlantique. Mais où dénicher ce héros aux multiples talents ?

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  4. un journaliste, n'est pas un commissaire. Mais, il doit bien exister à Nantes un honnête homme, journaliste de surcroit, journaliste d'investigation, tant qu'à faire, avec une indépendance et une liberté politique qui lui permettrait de s'affranchir des risques d'une enquête sur les échanges fonciers et les partenariats. La transparence serait-elle un vain mot?

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