21 décembre 2014

Lobbying pour NDDL (13) : pourquoi se gêner ?

On avait cru le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes déconsidéré par les révélations du Canard enchaîné. Mais les gens oublient vite : la com’ de Vinci Airports a redémarré avec des arguments pas moins spécieux qu’avant. « Nantes Atlantique est saturé avec quatre ans d’avance » titrait Ouest France hier, « Nantes Atlantique arrive à saturation » renchérissait Presse Océan. Tous deux font suite à une déclaration de Nicolas Notebaert, président de Vinci Airports.

Ce dernier est venu à Château-Bougon célébrer un événement, le passage de la barre des 4 millions de passagers par an, niveau annoncé depuis longtemps comme le seuil de saturation de l’aéroport. Nous y sommes, donc l’aéroport est saturé : le syllogisme est imparable. Sauf que, tout le monde le voit bien, l’aéroport N’EST PAS saturé ! « Saturé : qui ne peut contenir plus », dit la définition du Robert. Le jour même où Ouest France et Presse Océan titraient sur la saturation supposée de Nantes Atlantique, Volotea y ouvrait trois nouvelles lignes !

La vraie information n’est pas que Nantes Atlantique est saturé mais que les « experts » qui faisaient rimer 4 millions et saturation se sont trompés. Et pas seulement sur la date (ils annonçaient 2018) mais aussi sur les conséquences. Leurs autres arguments sont-ils plus solides ? Loin de conforter le dossier de Notre-Dame-des-Landes, le passage du cap des 4 millions le fragilise davantage.

Qu’a déclaré en réalité Nicolas Notebaert ? D’abord que Nantes Atlantique franchit 80 jours par an un « seuil de gêne » fixé (par qui ?) à 14.000 passagers par jour. Or…
  1.  Le seuil de gêne, comme son nom l’indique, n’est pas un seuil de saturation. Le concept est emprunté à la circulation routière : il y a « gêne » quand on ne peut pas rouler aussi vite qu’on le voudrait en raison de la présence d’autres automobiles. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas galoper dans ses couloirs que Nantes Atlantique est saturé.
  2. Les véritables gênes sont dues aux queues aux guichets, au contrôle de sécurité ou à la sortie. Elles ne dépendent pas des surfaces disponibles mais du personnel affecté. Construire un nouvel aéroport serait sans effet.
  3. Sauf grève ou intempéries, aucun passager ne reste la journée entière dans l’aéroport. Si les 14.000 passagers sont également répartis sur une journée de 16 heures et que chacun d’eux passe 30 minutes dans l’aéroport (c’est peu pour un départ, beaucoup pour une arrivée), le nombre de personnes présentes simultanément n’est que de 437,5, en comptant celle qui est en train de franchir la porte, pour une aérogare de 6.000 m2.
  4. Bien entendu, l’étalement n’est pas aussi parfait, il y a des moments à Nantes Atlantique où l’on se trouve entouré de plus de gens qu’on ne le souhaiterait. Cette impression ne concerne pas les 14.000 passagers des 80 jours où le « seuil de gêne » est atteint mais seulement ceux qui veulent prendre l’avion aux heures de pointe : quelques milliers tout au plus.
  5. Et ces quelques milliers de passagers ne sont pas gênés tout le temps de leur présence dans l’aéroport mais seulement celui où ils se déplacent dans ses locaux : pas plus de quelques minutes pour ceux qui débarquent.
  6. Or la grande majorité d’entre eux se pressent dans l’aéroport pour avoir (ou après avoir eu) le privilège de se presser davantage encore dans un avion pendant deux ou trois heures de vol.
Des Nantais beaucoup plus nombreux en subissent autant dans le tram ou sur la route du travail. Et pas trois ou quatre fois par an, mais tous les jours, et même deux fois par jour, pendant des durées souvent plus longues. L’aéroport est bien le seul endroit qu’on prétend aménager afin que tout le monde y ait toutes ses aises à tout moment. Autant réclamer le passage du périph’ à 2x8 voies et le triplement des rails de tramway !

« Pour la première fois en 2014, on a dû refuser à certaines compagnies aériennes d’opérer des vols le samedi ou le dimanche en été puisqu’on utilisait tous les créneaux disponibles », a aussi déclaré Nicolas Notebaert (la vidéo est disponible sur le site de Presse Océan). Ce qui signifie corrélativement qu’il reste des créneaux disponibles au moins 340 jours par an. Et qu’on voudrait construire un nouvel aéroport pour permettre à quelques centaines de vacanciers, quelques week-ends d’été par an, de décoller ou d’atterrir à l’heure exacte qui leur convient.

2 commentaires:

  1. Dans la perspective d'un "coup immobilier", laisser un bâtiment (ou même un quartier...) se dégrader, pour ensuite justifier sa destruction (insalubrité, insécurité, etc.) est une technique éprouvée. Il suffit pour un promoteur d'avoir de bons appuis dans une municipalité... Avec l'aéroport, cela ne semble plus suffisant : on a confié au promoteur la gestion directe de la chose. Depuis que Vinci en a pris le contrôle, l'aéroport s'est miraculeusement saturé.
    L'ouverture récente du Musée des Confluences, à Lyon, dont Vinci avait hérité, donne une idée des dépassements de budgets qui sont à prévoir !

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  2. L'un n'empêche pas l'autre ! Un transfert de l'aéroport pourrait aussi avoir d'intéressantes conséquences financières pour certains propriétaires fonciers.

    Les dépassements de budget sont annoncés presque noir sur blanc dans les révélations du Canard enchaîné. En cours de chantier, il aurait suffit de dire : "Oh ! mais cet aéroport imaginé il y a vingt ans est déjà trop petit compte tenu de l'essor du trafic !" Et hop, une alouette de financement privé et un cheval de financement public...

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