04 avril 2017

Arbre aux hérons : happy few et lumpen héronariat, à chacun son entrée

Après le « thème de l’Arbre et tous ses attributs » puis le point culminant de l’Arbre à 30 mètres de hauteur, voici le troisième volet de notre exploration du dossier de présentation de l’Arbre aux hérons rédigé par Pierre Orefice et François Delarozière.

Ce dossier décrit l’Arbre tel qu’il devrait être et les sensations des visiteurs telles qu’on espère qu’elles seront. « Ce voyage est encore plus fou que l’embarquement dans l’Éléphant ! » assure-t-il à propos du vol des hérons. Encore plus fou peut-être, mais encore plus contingenté sûrement. Car « en période de plus forte affluence, il y a 5 à 6 vols par heure ». Comme les hérons pourront accueillir une douzaine de passagers à la fois, le compte est vite fait : pour transporter les 400.000 visiteurs annuels espérés à raison de 6x12=72 passagers par heure, les hérons devraient fonctionner à plein plus de quinze heures par jour, 365 jours par an ! Un rendez-vous le 9 janvier à 23h30 ou le 10 à 6 heures du matin, ça vous va ? Là, oui, vraiment, ça serait « encore plus fou que l’embarquement dans l’Éléphant » !

La capacité horaire des hérons représente à peu près la moitié de celle de l’Éléphant. Il est donc raisonnable d’escompter un bilan de l’ordre d’un demi-Éléphant, soit 46.000 visiteurs par an. Cela ne fait que 11,5 % des 400.000 visiteurs maintes fois allégués pour justifier la construction de l’Arbre aux hérons. Où sont les autres ? Facile, il y aura deux catégories de clients : ceux qui embarqueront sur le dos des hérons, et la piétaille, très majoritaire, qui devra se contenter de regarder. C’est d’ailleurs bien ce qui est prévu entre les lignes du dossier de présentation : « le circuit des hérons et celui des jardins suspendus sont distincts et leurs accès séparés »*. On ne mélange pas les happy few et le lumpen héronariat !

Trouvera-t-on 400.000-46.000=354.000 clients par an pour une visite au rabais, même à tarif réduit ? Pierre Orefice et François Delarozière voudraient s’en convaincre. Mais ils ont du mal à forger des arguments. Encore et toujours, ils comptent sur le même produit d'appel, les hérons, pour attirer les futurs clients, y compris ceux qui n’auront pas eu droit d’emprunter leur accès séparé. Les visiteurs seront « hypnotisés par le héron qui s’élance dans le ciel en déployant son cou et ses ailes », assurent-ils. « Cette vision est une des raisons d’atteindre les grands belvédères au sommet de l’Arbre pour assister à l’envol des hérons. »

Dans le square Marcel-Schwob, « L’Épave » de Paul Auban
(1869-1945) semble maudire d’avance l’Arbre aux hérons
Après tout, pourquoi pas ? Si mémé s’offre un baptême de l’air à dos de héron, on peut imaginer que toute la famille vienne l’encourager de la voix et du geste depuis les grands belvédères. Pour une mémé héronisée, il ne devrait pas être sorcier de belvédériser huit enfants, petits-enfants, gendres et brus, neveux et nièces, et le tour serait joué.

Mais c’est quand même de la méthode Coué, car on pourra assister à l’envol des hérons gratuitement depuis le sol. Ou, bien mieux, depuis le square Marcel-Schwob et la rue des Garennes. Là, on aura en prime un beau point de vue plongeant sur la carrière de Miséry et la Loire en arrière-plan. Sauf à dégrader le site en remplaçant la grille actuelle par un mur opaque, on voit mal comment obliger les gens à payer pour voir. Le business model de l’Arbre aux hérons reste un mystère.

P.S. du 4 avril. Laurence Garnier, très désireuse de voir l'Arbre pousser, propose un « financement participatif auprès des particuliers qui pourraient acheter des feuilles de l’arbre » et faire inscrire leur nom dessus. C'est gentil de sa part mais il n'est pas nécessaire d'être très observateur pour remarquer que si les branches de l'Arbre aux hérons sont en acier, ses feuilles sont de vraies feuilles avec chlorophylle et tout. Les branches sont « végétalisées », comme disent Les Machines, elles alignent des jardinières de balcon. Allez donc inscrire votre nom sur une feuille de géranium.

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* Ce qui pourrait avoir un intérêt pratique : il est probable que le vol en héron sera interdit pour des raisons de sécurité à partir d’une vitesse du vent relativement basse – et donc fréquente. Un accès distinct permettra de garder l’Arbre ouvert – de même qu’aujourd’hui la Galerie des machines reste ouverte quand l’Éléphant ne peut fonctionner (en principe quand le vent dépasse 60 km/h, vitesse atteinte aux heures ouvrables quatre jours au cours du mois dernier, les 1er, 5, 6 et 25 mars).

1 commentaire:

  1. Et prochainement sur nos écrans, "L'Arbre, la maire et l'Eléphant"? La réalité dépasse souvent la fiction...

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