29 janvier 2018

Deux L’homme libre, c’est un de trop

La dernière couverture de TV Magazine a dû faire tousser du côté de la rue Clemenceau. Le magazine de programmes télévisés titre en effet cette semaine : « Jean-Luc Reichmann – L’homme libre ».

La première grande exposition du musée d’arts rénové est intitulée, on s’en souvient, « Nicolas Régnier – L’homme libre ». L’article défini est impitoyable : deux l’homme libre, c’est un de trop. Or la force de frappe de TV Magazine, distribué comme supplément de nombreux journaux dont Ouest France et Presse Océan, est bien supérieure à celle d’un musée de province.

L’exposition elle-même n’est pas en cause : visible jusqu’au 11 mars, elle est très belle, « sublime », même, écrit Connaissance des Arts – tout en dézinguant globalement le musée dans un éditorial intitulé : « Nantes rate son musée d’arts ». Le problème, ce ne sont pas les œuvres, ce n’est pas le peintre, ce n’est pas l’accrochage, c’est le titre choisi par le musée.

Pour une exposition de prestige dans un musée aux grandes ambitions, il aurait fallu un titre remarquable, n’importe quel communicant vous dira ça. Or le thème de « l’homme libre » est à peu près illisible.

Nicolo Reyniero, den Vrijman 

Déjà, sa légitimité est contestable. Pourquoi appliquer ce qualificatif à Nicolas Régnier, peintre du début du 17ème siècle ? Parce que, jeune rapin à Rome, il fréquentait une confrérie d’artistes où chacun choisissait un pseudonyme. Le seul témoignage certain de cette époque de sa vie, un portrait de groupe anonyme, ne le désigne pas comme « Nicolas Régnier, l’homme libre », ce serait trop simple, mais comme « Nicolo Reyniero, den Vrijman » : il avait italianisé son nom et exprimé son pseudonyme dans la langue de son pays d’origine, la Flandre.

C’était en 1620. Nicolas Régnier n’avait pas 30 ans. Il avait devant lui quarante-sept années de travail, dont plus de quarante à Venise où, peintre reconnu et installé, il a tourné la page de sa tapageuse confrérie romaine. On n’est plus un homme si libre quand on vend des portraits de saints à des cardinaux et des scènes de genre à de riches marchands.

Mais le plus ennuyeux reste la banalité absolue d'un qualificatif comme "l'homme libre". De l’Antiquité athénienne aux souvenirs de Jean-Jacques Bourdin en passant par L’Éthique de Spinoza, Le Culte du moi de Maurice Barrès et les chants populaires allemands, les hommes libres abondent dans la littérature, la philosophie, la théologie, la politique.

Sans aller jusqu’à « Nicole Araignée ? Quel drôle de nom pour un peintre ! » suggéré ici, réminiscence de Jacques Prévert  (« le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner. Araignée ? quel drôle de nom, pourquoi pas libellule ou papillon ?») qui aurait rappelé les prétentions surréalistes de Nantes, le musée d’arts aurait sûrement pu trouver mieux. Le conseil en communication recruté sur le tard fin septembre n’a pas fait de miracle.

26 janvier 2018

Arbre aux hérons : une ex-députée se rattrape aux branches

Décidément, l’Arbre aux Hérons coche toutes les cases… Son fonds de dotation est dirigé par Karine Daniel, a révélé Presse Océan voici quelques jours. Cela répond peut-être à la question posée ici même le 26 septembre : « qu'espère-t-on en publiant le 20 une offre d'emploi à échéance du 25 ? Attirer de bons candidats ? Ou bien être sûr de ne recevoir que la réponse qu'on avait déjà dans la manche ? » Nantes Métropole venait alors de publier une offre d’emploi portant sur un poste de « délégué.e général.e de fonds de dotation, Arbre aux Hérons ». Les candidats ne disposaient que de cinq jours, dont un week-end, pour se déclarer !

On est soulagé de savoir que malgré la brièveté du délai, Nantes Métropole a trouvé la candidate idoine. Elle n’a pas eu à chercher bien loin : Karine Daniel, membre du parti socialiste, a fait partie de ses nombreux vice-présidents de 2012 à 2016. En 2016, élue députée en remplacement de Jean-Marc Ayrault, elle démissionne de ses postes municipaux. Son score minable de l’époque, sur une circonscription que le P.S. s’imaginait acquise, aurait dû l’inciter à la prudence : elle ne siégera que quatorze mois. En 2017, elle est sévèrement battue aux élections législatives. La voilà sur le carreau et sans guère de perspectives politiques. Elle n’entretient plus beaucoup son site web de députée et a cessé d’exploiter le site créé pour sa campagne électorale de 2016. Ce dernier semble même avoir connu d’étranges vicissitudes. Si vous voulez en savoir plus, cliquez : http://karinedaniel2016.fr/.

Karine Daniel n’est pas dépourvue d’expérience professionnelle : docteur en sciences économiques, spécialiste de l’économie agro-alimentaire, elle a enseigné à l’École supérieure d’agriculture d’Angers pendant plusieurs années. Elle se présente encore comme économiste à l’ESA, qui la cite toujours parmi les membres de l’un de ses laboratoires, mais non parmi ses enseignants permanents. Cela la prédestine-t-elle à diriger un fonds de dotation ? L’annonce de Nantes Métropole réclame entre autres des capacités démontrées « en marketing et en communication ». Vu les scores électoraux de l’intéressée, il ne doit pas s’agir de marketing politique. La principale responsabilité du poste est la récolte de financements privés. La candidate retenue, dont toute l’expérience provient de l’enseignement supérieur et de la politique, semble totalement novice dans ce domaine.

Mais qui donc est l'employeur ?

En revanche, il y a un bout de temps qu’elle s’intéresse à l’Arbre aux Hérons. Selon un article détaillé d’Éric Lecluyse publié par L’Express en 2016, c’est elle, en compagnie de Johanna Rolland, qui, dès novembre 2015, a annoncé à Pierre Orefice et François Delarozière que Nantes Métropole pensait installer l’Arbre dans la carrière de Miséry.

Ce qui aggrave le cas du fonds de dotation. Un tel fonds, dit la loi, doit être indépendant. Comment pourrait-il l’être s’il ne recrute pas son patron lui-même ? D’ailleurs, Karine Daniel est-elle seulement salariée du Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons ? Comme tout employeur, un fonds de dotation doit se déclarer à l’URSSAF ou au centre des impôts. Il reçoit alors un numéro Siren ou Siret et est inscrit par l’Insee dans sa base Sirene. Où, vous l’auriez parié, le Fonds de dotation de l’Arbre aux Hérons est inconnu à ce jour*.

Alors, de qui Karine Daniel est-elle salariée ? Parmi les nombreuses bizarreries du dossier, le poste pour lequel Nantes Métropole recrutait en septembre dernier était présenté comme relevant tantôt du secteur privé, sur le site de l’APEC, tantôt du secteur public, sur le site de la fonction publique territoriale. L’ancienne députée serait-elle rémunérée par Nantes Métropole ou l’un de ses satellites ? Ce serait illégal, un fonds de dotation ne pouvant recevoir de subventions publiques, mais cela aurait l’avantage de l’opacité. Car un fonds de dotation doit publier ses comptes chaque année : on peut se faire une idée du salaire de son dirigeant. La solution publique éviterait cette transparence. Pas totalement cependant : le grade attribué au poste, selon l’annonce de Nantes Métropole, pouvait être celui d’administrateur général – or un administrateur général est rémunéré en moyenne plus de 60.000 euros par an.
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* Mise à jour du 2 mars 2018 : le Fonds de dotation de l'Arbre aux hérons apparaît à cette date dans la base Sirene, pour un ou deux salariés. L'activité exercée est le "conseil pour les affaires et autres conseils de gestion".

18 janvier 2018

Lobbying pour NDDL (46) Vous avez aimé NDDL ? Vous adorerez le CHU

Johanna Rolland a-t-elle déjà perdu les prochaines élections municipales ? Sa réaction énergique à l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes intrigue. Espère-t-elle le moindrement que le gouvernement fera machine arrière ? Jean-Marc Ayrault avait dit qu’il ferait l’aéroport et ne l’a pas fait ; se pourrait-il qu’Édouard Philippe, après avoir dit qu’il ne le ferait pas, le fasse quand même ?

C’est d’autant plus exclu que selon deux sondages « sortie des urnes » publiés hier soir, près des trois quarts des Français approuvent l’abandon du projet. Donc, la cause est entendue, c’est plié, il vaut mieux passer à autre chose. (À la limite, ceux qui persisteraient à faire du tapage pourraient être soupçonnés de faire du lobbying pour que l’indemnisation « éventuelle » versée à Vinci soit grosse.)

Alors, pourquoi madame le maire de Nantes tente-t-elle de prendre le leadership des cocus de l’affaire ? Déjà, à la date de la consultation du 26 juin 2016, les partisans d'un nouvel aéroport ne l'emportaient à Nantes que de 100 voix (41.906 contre 41.806). Les partis qui y étaient favorables, à commencer par le sien, ont été blackboulés aux élections législatives de 2017. Persister dans un combat d’arrière-garde, n’est-ce pas la garantie d’un échec aux municipales dans deux ans ?

J’ai ma petite idée là-dessus. Le dossier Notre-Dame-des-Landes a joué un rôle pédagogique. Il a conduit de nombreux électeurs nantais à constater que les déclarations officielles pouvaient très bien être biaisées, voire carrément mensongères. Que les grands travaux étaient parfois décidés au nom de données suspectes. Qu’il ne fallait pas confondre légalité et légitimité, ni « décisions prises » et « décisions appliquées ». Vers quel sujet les compétences forgées dans la contestation du projet d’aéroport vont-elles à présent se tourner ? Un candidat se détache : le nouveau CHU.

« Puisque nous en avons terminé avec ce drame poussif de Notre-Dame-des-Landes, j’espère que nous pourrons reprendre sereinement et utilement mon projet d’achèvement du comblement de la Loire à Nantes » plaisantait Éric Chalmel hier sur Facebook. Mais ce projet n’a jamais été délaissé ! C’est un corollaire du projet du CHU : il suffit de voir le doublement du pont Anne de Bretagne présenté au dernier conseil communautaire. Sur ce dossier, la municipalité nantaise ne peut compter (à ce jour du moins) ni sur l’union de cœur avec la droite ni sur le rejet des zadistes. Tant que les travaux ne seront pas vraiment engagés, tout pourra être remis en cause. Johanna Rolland a intérêt à ce que les yeux restent braqués sur NDDL le plus longtemps possible.

Rectificatif du 19 janvier : une première version de ce billet indiquait que les partisans d'un nouvel aéroport "n'étaient pas majoritaires à Nantes" le 26 juin 2016. En réalité, ils l'étaient, avec une avance minime. Merci à G.B. pour la correction.

15 janvier 2018

Arbre aux hérons : un premier marché de plus de 2,5 millions d’euros HT attribué dans une parfaite opacité

Décidément, la lecture des avis de marché de la ville de Nantes et de Nantes Métropole est pleine de surprises. Après le marché express des « reporters professionnels et amateurs », voici l’avis d’attribution de marché des études préalables de l’Arbre aux Hérons publié par TED, supplément au Journal officiel de l’Union européenne. Là, c’est du lourd : 2.575.000 euros.

Le marché porte sur la « Réalisation d'une étude de définition du projet d'arbre aux Hérons permettant de confirmer sa faisabilité dans le respect des contraintes du site retenu, du coût d'opération défini et des contraintes réglementaires applicables à ce type d'équipement ». Une fois qu’on a décidé de faire l’Arbre aux Hérons, il est sage en effet de vérifier qu’il est faisable. Il aurait même été encore plus sage de s’en assurer avant.

Car il y a eu un avant. Ce marché est un nouvel épisode d’une séquence déjà étrange :

  • Le 17 octobre 2016, le conseil métropolitain confie à Nantes Métropole Aménagement le projet du Bas-Chantenay comprenant explicitement « la reconversion de la Carrière Miséry, actuellement désaffectée en un parc métropolitain ».
  • Le 10 février 2017, le conseil métropolitain s’entend dire que, « en cohérence » avec la décision précédente, Nantes Métropole Aménagement sera chargé de plusieurs études ayant pour but de « finaliser la conception de l’Arbre aux Hérons et de travailler à son intégration dans son environnement », c'est-à-dire dans la carrière. Le coût prévisionnel des études est alors de 4 millions d’euros dont 2 financés par « des fonds privés déjà identifiés ».
  • Le 8 décembre 2017, le conseil métropolitain « autorise » Nantes Métropole Aménagement à confier des « pré-études » de réalisation à La Machine, Pierre Orefice et François Delarozière moyennant 2,435 millions d’euros HT plus 140.000 euros HT de droits d’auteur. Des études de sols et géotechniques seront commandées par ailleurs pour 636.000 euros HT.
Il n’est plus question ni des « fonds privés déjà identifiés » ni d’un plafonnement des coûts de Nantes Métropole à 2 millions d’euros, et puisqu’on parle de « pré-études », il est à craindre que la facture ne s’alourdisse par la suite. Mais l’essentiel n’est pas là. Charger Nantes Métropole Aménagement des études de faisabilité n’avait rien d’étonnant, c’est son métier. Lui imposer de refiler ensuite le bébé à un « groupement d’opérateurs économiques » formé de La Machine, Pierre Orefice et François Delarozière intrigue bien davantage. En effet :

  • La Machine, association loi de 1901 dont le siège est en Haute-Garonne (et non à Nantes comme l’indique l’avis d’attribution) a pour objet : « promouvoir les métiers et savoir-faire du spectacle, plus particulièrement au travers de la création, la réalisation et la cession de décors, machines et objets de spectacles » et autres activités connexes sans rapport avec les pré-études financières ou réglementaires.
  • Pierre Orefice, sorti de Sciences Po sans en être diplômé, a travaillé dans la production de spectacles avant de devenir salarié de Nantes Métropole puis du Voyage à Nantes à un poste de gestionnaire, celui de directeur général des Machines de l’île. On apprend ainsi que sa charge de travail lui laisse le loisir d’exercer des activités extérieures significatives – mais il est vrai que l’exemple vient de haut puisque son propre patron, Jean Blaise, travaille pour la ville du Havre. Plus curieux encore, il peut exercer ces activités in fine pour l’actionnaire principal de la SPL dont il est salarié.
  • François Delarozière, diplômé des Beaux-arts, est un créateur de machines de spectacle, salarié de l’association La Machine en tant que directeur artistique. Il est donc doublement titulaire du marché attribué par Nantes Métropole Aménagement. Les contrats de travail de l’association ne sont sans doute pas mieux bordés que ceux du Voyage à Nantes.
Dira-t-on que ces trois-là ne possèdent à peu près aucune des compétences techniques, financières et juridiques nécessaires à la conduite d’une étude de 2.435 millions + 140.000 euros HT ? Non : ils ont démontré leur parfaite maîtrise du sujet. Une branche prototype est installée devant les Nefs depuis 2007. Une maquette détaillée de l’Arbre aux hérons a été visible pendant des années dans la Galerie des machines avant d’être vendue au Crédit Mutuel. On connaît précisément les dimensions de l’engin, ses équipements, ses capacités d’accueil. Pierre Orefice a plus d'une fois commenté le coût de réalisation, le plan de financement et les chiffres de fréquentation future. Tout est bien bordé, donc…

Et pourtant, il faudrait encore rajouter au pot plus de 2,5 millions d’euros ? On nous aurait menti ? Il y a là un mystère que Nantes Métropole devrait avoir à cœur d’éclaircir. Car pour l’instant, le mystère règne sur le contenu de ces coûteuses « pré-études ».

En effet, le marché a été attribué en toute opacité, en invoquant une disposition de l’article 30 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 : un marché public peut être négocié sans publicité ni mise en concurrence lorsqu’il « a pour objet la création ou l'acquisition d'une œuvre d'art ou d'une performance artistique unique ». Nantes Métropole Aménagement, « agissant au nom et pour le compte de Nantes Métropole » (une manière de se dédouaner en cas de pépin ?) s’en explique ainsi :

Le marché à pour objet de confier au groupement attributaire la réalisation d'une étude de définition de l'œuvre d'art de l'arbre aux Hérons permettant de confirmer sa faisabilité dans le respect des contraintes du site retenu, du coût d'opération défini et des contraintes réglementaires applicables à ce type d'équipement. Ses auteurs sont seuls titulaires des droits intellectuels attachés au projet et donc seuls susceptibles de le définir avec précision, de l'adapter aux contraintes opérationnelles et d'en finaliser la conception-réalisation.

Cette explication est quintuplement boiteuse :

  1. L'article 30 du décret du 25 mars 2016 n’impose pas la procédure négociée : il ne fait que l’autoriser. Étant donné l’énormité des montants en jeu, Nantes Métropole aurait dû parer à tout reproche en appliquant avec rigueur les règles des marchés publics.
  2. L'article visé, dérogatoire à une disposition générale, doit être interprété strictement. Il concerne les cas de création ou d’acquisition d’une œuvre. Or ici, il ne s’agit pas d’une création mais, comme précisé, de « la réalisation d’une étude de définition » afin de confirmer la « faisabilité » de l'Arbre compte tenu des contraintes de lieu, de coût et de réglementation.
  3. Le volet créatif de la mission est expressément couvert par les 140.000 euros de droits d’auteur prévus. Ce chapitre représente 5,4 % de l’enveloppe globale. Difficile de s’en prévaloir pour considérer comme « artistiques » les 94,6 % restants.
  4. La chambre régionale des comptes, dans son rapport sur le Voyage à Nantes, a souligné que les éléments du Carrousel des mondes marins « ne constituent pas des œuvres d’art au sens de l’article 98 A du code général des impôts ». Pourquoi en irait-il autrement de l’Arbre aux hérons ?
  5. Le marché n’est pas passé avec un artiste mais avec un groupement de trois opérateurs dont aucun n’est un artiste inscrit comme tel à l’Urssaf, même si deux d’entre eux perçoivent des droits d’auteur.
Comment rattraper la mayonnaise ? On attend avec impatience les épisodes suivants.



13 janvier 2018

Les propagandistes de la ville de Nantes veulent embaucher des journalistes mais confondent vitesse et précipitation

Le 26 novembre 2017, la ville de Nantes publie au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) une annonce portant sur la « création d’une équipe de reporters professionnels et amateurs, puis l’organisation et l’animation de débats et conférences pour le dispositif les " Hauts-Parleurs " ». Les candidats doivent déposer leur offre avant le lendemain de Noël à midi.

En quoi consiste le « dispositif » ? L’annonce ne le dit pas. Les sites web de Nantes et de Nantes n’en disent pas plus : les « Hauts-Parleurs » sont inconnus au bataillon. Mais le CCTP de l’avis de marché révèle qu’il s’agit d’« une invitation à découvrir, à partager, à parler collectivement de la manière de faire la ville ». Ce qui ressemble assez à une nouvelle version des « grands débats », dans laquelle l’expression des citoyens serait encore plus strictement encadrée…

Apparemment, le marché n’arrive pas à son terme puisque, le 11 janvier la ville publie un nouvel avis sur le même thème. Et ce marché soulève quand même quelques questions :

  • Les « Hauts-Parleurs » s’inscrivent « dans le cadre d’une opération qui se tiendra au printemps 2018 sur une durée de 80 jours dans la carrière de Chantenay du 12 avril au 30 juin 2018 ». À trois mois du coup d’envoi, il ne semble pas que le conseil municipal en ait été informé.
  • Le prestataire retenu « devra composer une équipe de journalistes professionnels qui accompagnera et formera une équipe de reporters amateurs dans la création et diffusion (des) contenus » destinés à l’opération. Mais la ville précise que tout sera contrôlé par sa direction générale à l’information et à la relation au citoyen – c’est-à-dire son service de propagande. Où trouvera-t-on les « journalistes professionnels » pour se livrer à cet exercice ?
  • Le calendrier de mise en œuvre devra prévoir de former les « reporters d’un jour » en « janvier-février » et de fournir les premiers contenus en février-mars. Le temps qu’un opérateur soit désigné et s’organise, la formation risque d’être légèrement bâclée. Comment former en si peu de temps des « reporters » capables de produire des « contenus » qui informeront vraiment les Nantais ? À moins d’en faire des « hauts-parleurs » qui réciteront un discours pré-enregistré ?
Cela dit, la ville de Nantes a fait de son mieux pour raccourcir les délais : l’avis de marché a été publié dans l’après-midi du 11 janvier et les offres doivent être remises le 16 janvier avant midi. Oui, vous avez bien lu : un avis publié le 11 janvier, des offres remises le 16 janvier avant midi ! Même pas cinq jours, dont un week-end, pour préparer une réponse ! On n’imaginera pas que le futur élu soit déjà secrètement désigné puisque ce serait illégal.


Pour cet appel d’offres, la ville a décidé de recourir à une procédure adaptée. C’est déjà un peu bizarre puisque pour l’appel d’offres du mois de novembre, portant sur les mêmes prestations, elle avait jugé nécessaire un appel d’offres ouvert. Mais ce passage à la procédure adaptée a un avantage : elle permet d’échapper au délai de réponse de 35 jours fixé par la loi. Dans une procédure adaptée, le délai est laissé à l’appréciation de l’acheteur.

Cinq jours là où il en aurait fallu plus de seize

Ce qui ne signifie pas que tout soit permis. Le délai fixé doit être suffisant pour préparer un dossier de candidature et une offre. À quoi peut ressembler un délai suffisant ? « Ex : Un délai de remise des offres de 16 jours est insuffisant pour un marché s’élevant à 60 000 euros HT et pour lequel la visite des lieux s’imposait », spécifie la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie, jurisprudence à l’appui. Coïncidence : 60.000 euros HT, c’est justement le montant maximum prévu par la ville de Nantes. La visite des lieux s’impose puisque une partie du travail sera effectué dans la carrière de Miséry. En outre, la complexité des prestations demandées est telle qu’il faut beaucoup de temps pour établir une offre.

Nantes a fixé un délai de cinq jours là où seize jours ne suffiraient pas ! Pour rester dans les clous signalés par Bercy, donc, la date limite aurait dû être fixée au-delà du 27 janvier. Ce qui aurait rendu encore plus impraticable le calendrier prévu… Résultat : au cas où un opérateur potentiel voudrait contester la validité de l’appel d’offres, la ville de Nantes s’est mis d’elle-même la tête sur le billot.

Et les dégâts pourraient ne pas s’arrêter là. Comme indiqué plus haut, la ville dit elle-même que les missions des « reporters » sont à réaliser « dans le cadre d’une opération qui se tiendra au printemps 2018 », etc. Elles sont donc une partie d’un ensemble, non pas une série d’opérations mais « une » opération. Toujours dans le cadre de celle-ci, la ville a lancé d’autres appels d’offres (pour les constructions, la restauration…). Un esprit malveillant pourrait la soupçonner de se livrer à la technique illégale du « saucissonnage », qui sert à échapper aux seuils légaux en matière de marchés publics.

11 janvier 2018

Nantes Métropole, serial-déposant de marques en 2017

Nantes Métropole est aujourd’hui titulaire de 43 marques de fabrique, de commerce ou de service enregistrées par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), dont 16 déposées en 2017. Son stock a ainsi augmenté de 60 % en un an !

À quoi bon cette boulimie ? Chaque dépôt de marque coûte au minimum 250 euros pour la demande à l’INPI, des frais de publication et surtout, surtout le temps qu’y passent des agents de la collectivité, en particulier Mme Marie-Martine D., spécialiste du sujet à la direction juridique de Nantes Métropole. Il vaut donc mieux avoir de bonnes raisons.

Nos seize nouvelles marques sont-elles indispensables ? Pour que chacun puisse en juger, en voici la liste complète :

  • NANTES, VILLE VERTE ET CITOYENNE, COMPLETEMENT A L OUEST
  • YHNOVA
  • L'art se lève à l'Ouest
  • Nantes City Lab
  • NANTES METROPOLE NANTES ENTREPRISES DANS MA POCHE
  • ESS Factory Métropole Nantaise
  • ESS Nantes Factory
  • ESS Factory
  • Nantes, Complètement à l'Ouest
  • L'Arbre aux Hérons
  • La Cité dans le ciel
  • Le Jardin extraordinaire
  • The Heron Tree
  • The City in the Sky
  • The Extraordinary Garden
  • LE CHRONOGRAPHE EXPERIMENTER L'ARCHEOLOGIE  
Ah ! sûrement, il était vital de protéger la marque « Nantes, ville verte et citoyenne, complètement à l’Ouest », de peur que Marseille ou Strasbourg ne s’en emparent ou que McDonald’s ou Volkswagen n’en fassent le nom d’un de leurs produits (en vérité, ils le peuvent encore puisque la marque n’a été déposée que dans trois classes, couvrant la publicité, les communications et le divertissement). Mais était-il indispensable de protéger aussi la marque « Nantes, Complètement à l’Ouest » ?

Six marques semblent concerner les activités touristiques : L’Arbre aux Hérons, La Cité dans le ciel, Le Jardin extraordinaire et leur traduction en anglais. Bizarre qu’elles aient été déposées par Nantes Métropole et non par Le Voyage à Nantes. Après avoir été lui aussi un gros déposant de marques les années passées (il en détient 27), ce dernier n’en a déposé que deux en 2017, du meilleur goût : « LE BAZAR OFFICIEL DU VOYAGE » et « NANTES FOOD FORUM MANGER DEMAIN LE MARCHÉ DES PAYS DE LA LOIRE » (sic). Peut-être Jean Blaise était-il occupé ailleurs ?

Deux ou trois de ces marques pourraient donner lieu à des débats intéressants, en particulier « The City in the Sky », qui est déjà le titre d’une série de documentaires de la BBC. Quant à « L’art se lève à l’Ouest », c’était le titre d’un article consacré à Nantes par Marianne en 2009 ! La célérité de Nantes Métropole fait plaisir à voir. 

06 janvier 2018

Lobbying pour NDDL (45) Vous avez dit « mascarade » ?

Mascarade : « Fig. et péj. Se dit d'une chose, d'un évènement dont on entend dénoncer le caractère fallacieux, le ridicule, qui est une grossière imposture », dit l’Académie française. Une fake new, en somme. Que le rédacteur en chef de Presse Océan s’y attaque, on ne peut qu’approuver, évidemment ! À moins que l’information mensongère ne soit aussi sous sa plume…

Car Jérôme Glaize, dans un éditorial intitulé « Une effarante mascarade », se livre, après bien d’autres, à une falsification à propos du « référendum local » qui aurait approuvé le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et dont François Hollande aurait été « l’inénarrable initiateur ». Alors, rétablissons la vérité une fois de plus : le scrutin du 26 juin 2016 N’ÉTAIT PAS un référendum, un mot qu'on ne devrait pas utiliser à la légère puisqu'il désigne une procédure définie par la Constitution.

Qui plus est, l’initiateur d’un référendum local ne peut être que l’assemblée délibérante d’une collectivité locale, sur proposition de son exécutif (loi organique du 1er août 2003). Jérôme Glaize attribue ainsi à François Hollande un rôle qui n’aurait pu appartenir qu’au conseil départemental de Loire-Atlantique.

Qu’avons nous donc fait il y a un peu plus d’un an et demi ? Nous avons participé à une « consultation », formule bricolée pour les besoins de la cause et instaurée à la va-vite par l’ordonnance du 21 avril 2016, jamais ratifiée par le parlement. « L'État peut consulter les électeurs d'une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis… », dit cette ordonnance. C’est donc clair : on ne nous a pas demandé une décision, on nous a demandé un avis.

Et il ne pouvait en être autrement. En effet, quand Jérôme Glaize évoque un « projet d’aéroport de province devenu affaire d’État », il se trompe à nouveau, car le transport aérien était et reste une compétence de l’État ! « Aéroport de province » ? Grands dieux, pourquoi donc irions-nous construire un aéroport de province alors que nous disposons déjà à Nantes Atlantique d’un… aéroport international !